Tim Ferriss & The 4-Hour Chef : Barnes & Noble déclare la guerre à Amazon Publishing… Edition traditionnelle versus édition numérique ?

C’est aujourd’hui que le 3ème livre de Tim Ferriss est disponible à la vente. Petite particularité : The 4-Hour Chef est le premier livre édité par New Harvest, la toute nouvelle filiale d’Amazon Publishing, maison d’édition du géant de la vente en ligne…

Et les réactions dans le petit monde des livres n’ont pas manqué de se manifester ! Par exemple, la franchise Barnes & Noble (environ 720 librairies aux Etats-Unis) a lancé une grande opération de boycott du livre en refusant de le distribuer, et l’initiative n’a pas tardé à faire des émules. Assez stupéfiant si on se souvient que la même enseigne avait été le fer de lance du précédent bouquin de Tim Ferriss : The 4-Hour Body.


Vous pensez que cela a découragé l’auteur ? Pas du tout ! Il s’est contenté de répondre sur son blog en préparant une incroyable campagne de marketing et en déclarant (avec la sobriété et la modestie qui font tout son charme) :

Fiction : my goal is to have The 4-Hour Chef hit national bestseller lists.
Fact : my goal is to have all three of my books on the lists at the same time.

Difficile de faire plus clair ! Et il n’y est pas allé avec le dos de la cuillère : plusieurs trailers réalisés à la perfection (voir celui proposé ci-dessus) et une compétition pour en réaliser d’autres et un programme « All-You-Can-Eat Campaign of Goodness » avec des lots variés allant du bon d’achat au billet d’avion (aller-retour n’importe où dans le monde) en passant par des leçons de conduite sur Lamborghini ou un Kindle Fire HD. Je lui souhaite en tout cas beaucoup de succès !

4HourChef

Mais si la preuve est faite (ou non) que vendre des livres est plus une question de promotion que de talent de l’auteur (encore que Tim possède les deux compétences), cela nous amène surtout à nous interroger sur l’avenir de l’édition…

Et le dossier est complexe : en l’espèce, 4HC n’est pas seulement un e-book, c’est aussi un livre papier (hardcover), donc il ne s’agit pas à proprement parler de la traditionnelle opposition entre la cellulose et le numérique. Même si la version Kindle est au coeur de la stratégie de promotion du livre, Tim Ferriss est bien conscient qu’on n’accorde pas encore la même valeur à l’immatériel qu’au matériel et l’a déclaré à Paid Content en réponse au NY Times :

I think that no matter how well I do — even if I sell a million Kindle copies, for instance — there will be people in the book trade who call it a failure because they’re using different metrics.

La question est donc double :

  • Quel avenir pour le livre numérique à côté du livre papier (et réciproquement) ?
  • Quel avenir pour les libraires si la vente en ligne devient un modèle de distribution ?

Sur la question du livre numérique

Certes, l’écran d’une tablette de lecture comme le Kindle est assez froid et n’a pas le charme d’un gros pavé en papier qu’on peut toucher et feuilleter à loisir. Exit le plaisir d’annoter un livre, de surligner un passage, de compter les pages… Encore que cela pourrait arriver plus vite qu’on ne pense.

Mais les e-books ont aussi quelques avantages. Ils permettent un achat instantané (plus besoin d’écumer les bibliothèques et les librairies pour chercher un titre rare ou épuisé), ils sont souvent beaucoup moins chers, ils n’occupent pas beaucoup d’espaces (or la taille des logements devient problématique en ville). Bonus pour les fans de customization : ils sont personnalisables à souhait et il est possible de changer la police, la taille des caractères ou la luminosité. Et c’est le seul moyen de pouvoir lire un livre dans le noir, pas vrai ?

Je vous encourage à lire l’article de Tim Parks dans le New York Review of Books sur ce sujet. Il y déconstruit l’expérience de la lecture pour montrer qu’elle n’est pas altérée par le passage au numérique… A méditer.

Sur la question de la distribution numérique

La question de la distribution numérique n’a (pour l’instant) pas grand-chose à voir avec celles des e-books : comment les e-books pourraient-il tuer les libraires alors que le marché n’a pas (encore vraiment) démarré ? Il faut bien en être conscient : au rythme où vont les choses, le livre numérique ne va pas achever l’univers de la librairie traditionnelle, car il risque bien de s’effondrer avant. Ne confondons pas tout, la question au coeur de la bataille menée par Barnes & Noble est bien celle de la vente en ligne.

Je suis à la fois éditeur et auteur, mais je ne suis pas un champion des circuits de distribution. Néanmoins, dans le processus classique, il faut savoir que c’est environ 50% du prix du livre qui part chez les distributeurs (jusqu’à 60% dans certaines grandes enseignes…). Dès lors, on peut comprendre la volonté d’un éditeur de vendre ses ouvrages en ligne, comme le font par exemple L’Harmattan et Studyrama, cela permet d’accroire sa marge d’environ 150%. Même en passant par un circuit comme Amazon, les frais de distribution restent très peu élevés au regard des magasins réels.

La crise actuelle de la librairie est ainsi liée à l’évolution des conditions commerciales du circuit du livre, mais aussi aux changements de comportement des clients : de moins en moins de lecteurs, l’illusion d’un choix accru sur les librairies en ligne, l’option de la facilité en passant commande en quelques clics… La difficulté est donc la mutation du métier de libraire, parce que la vente de livres en ligne n’a rien à voir avec la vente de livres en magasin.

L’invention du fusil n’a pas tué les armuriers, mais ils ont vendu moins d’épées. Quid des libraires ? Pour l’instant, je n’ai pas la réponse. Et vous ?

 



Comprendre. Apprendre. Surprendre.
Inscrivez-vous ci-dessous et restons en contact.

jemabonne

 

2 commentaires sur « Tim Ferriss & The 4-Hour Chef : Barnes & Noble déclare la guerre à Amazon Publishing… Edition traditionnelle versus édition numérique ? »

  1. A reblogué ceci sur Le livre numérique and commented:
    Voici ici par le lien de cet article wordpress, le cas d’un auteur dont le livre a été publié en version numérique dans des conditions assez discutables et ce genre de cas, par exemple, pourrait être une des causes de la polémique actuelle sur nos nouveaux venus les e-books.

  2. Mon point de vue sera légèrement différent. …
    Les librairies non pas vocation à fermer, certes beaucoup n’existeront plus mais pas à cause du livre numérique. ..
    aujourd’hui, ce sont surtout les ventes internet qui détournent les ventes de nos libraires. Pourquoi? Vaste question. Le géant Amazon propose une réponse à l’envie d’immediaté du client, de plus il offre une livraison à domicile qu’il peut se permettre car il reçoit des revenus publicitaires, il paie moins de frais de structures ( un hangar est moins chère que les loyers de tout les libraires réunis, moins de personnel,…etc) et des subventions publiques sans parler des impôts ou des meilleurs remises qui lui sont octroyées par les diffuseurs ou éditeurs.
    Mais tout cela soulève d’autres questions

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :